
Du bon usage de l’ESG par l’État actionnaire
J'ai eu la chance de pouvoir faire une "keynote" pour les 20 ans de l'Agence des participations de l'État.
En quoi l'essor de la réglementation ESG modifie les relations entre l'actionnaire public et le management des entreprises dans lesquelles il détient des participations ? Rien que la CSRD, par l'ampleur des questions qu'elle invite à se poser et du reporting auquel elle astreint les dirigeants, va probablement engendrer une transformation des manières de compter mais aussi de l'analyse des risques et in fine de l'élaboration de la stratégie des entreprises.
Dans ce contexte nouveau, l'actionnaire doit éviter deux écueils :
- renforcer sa posture de "micro-manager" ou du "contrôleur de moyens". La relation doit rester basée sur la confiance et de grands principes : on définit une thèse d'investissement, un cadre stratégique ; sur cette base, on nomme des dirigeants, on fixe leur rémunération, et on les remercie éventuellement. Obligation de résultat plutôt que de moyens !
- autre écueil : la tentation d'utiliser les entreprises à capitaux public comme "canal de transmission" d'une politique globale aux contours flous. L'APE doit rester un "sas actionnarial" de qualité entre l'Etat dans ses autres postures (donneur d'ordres, acheteur, industriel...) et les entreprises du portefeuille.
Mieux vaut inverser la question et se demander : qu'est-ce qui rend intéressant pour une entreprise d'avoir l'APE comme actionnaire ? La réponse tient dans le réseau extraordinaire que forment les entreprises du portefeuille. Malgré sa diversité héritée et sa relative inertie, il est souhaitable d'encourager les "fertilisations croisées" entre ces entreprises autour de l'ESG.
Trois manières de faire :
- faire travailler ensemble les verticales métier : par exemple réunir les directeurs des achats ou les directeurs RSE et partager les meilleures pratiques (l'APE le fait déjà largement) ;
- renforcer les synergies entre entreprises appartenant à un même secteur : entre constructeurs automobiles (Renault) et entreprises aéronautiques (Airbus), il existe des risques et opportunités communs de transition, que les industriels ne saisissent pas pleinement par eux-mêmes. Le fait d'être dans le même réseau peut devenir une force. Ce "transfert" peut aussi s'organiser entre entreprises de secteurs différents : SNCF, La Poste et EDF sont toutes trois des "entreprises de réseau" qui affronteront demain les mêmes défis en matière de rareté foncière, d'adaptation au changement climatique, de continuité du service public en milieu rural...
- enfin il est possible d'encourager les transferts des "gros" vers les plus petits, ce que permet la très grande diversité du portefeuille. Aéroports de Paris peut partager ses meilleures pratiques d'adaptation au changement climatique à l'aéroport de Fort-de-France.
Bref, l'ESG peut devenir un extraordinaire levier pour l'actionnaire public, à condition de rester fidèle à la promesse initiale de l'APE